L’OMBRE DU SOUVENIR

Ils s'appelaient Marie-Thérèse, Elianne, Bernard et André. Ils avaient treize ou quatorze ans, respiraient la joie de vivre et portaient dans le coeur les espoirs d'une jeunesse sans cesse bousculée mais confiante en son avenir. L'Ecole était le catalyseur de leurs rêves et leurs aspirations. Et puis...en ce 10 Mars 1973, des espérances brisées dans la tourmente d'un cyclone dont le nom n'inspirait pourtant pas la méfiance: Lydie déversa sur l'ile ses tonnes de pluies qui gonflèrent les rivières, comme pour défier la nature . Aux alentours de 14 heures ce samedi là, de la vingtaine d'enfants partis du Collège pour regagner leur domicile, quatre ne l'atteindront pas. Happés par le déluge, ils resteront à jamais scellés à ce pont sur la Ravine des Prunes qui aura écrit l'une des pages les plus douloureuses de l'Histoire de Cilaos. Restent le souvenir, des visages rayonnants, un pont sur lequel des visiteurs s'arrêtent parfois et, par-dessus tout, les pleurs d'une mère que la détresse replie sur elle-même.



Le texte que voici a été écrit en 1977, à la mémoire de quatre de mes élèves injustement et prématurément arrachés à la vie. Ils s'appelaient.....


Dans l'ombre du souvenir,
Une mère pleure
Un enfant déchiqueté
Noyé dans sa peur.



Vingt peut-être à prendre la route
Pour rejoindre la maison,
Sans jamais le moindre doute
Qu'ils allaient y laisser des noms;
Sur le torrent d'écume riche,
Vont tenter de passer le pont;
Mais la chaîne, quand elle triche,
Peut libérer quatre maillons.



Entre les crocs du torrent,
Près du champ au nectar de fraise,
Sous l'orage de ses treize
Est tombée Marie Thérèse;
La nuit eut ce funeste appât
Auquel l'enfant se laissa prendre;
Et dans les folies du fracas,
L'âme au ciel s'en alla rendre.



Puis le sort par caprice malsain
Choisit Bernard et puis André;
La tempête , pour apaiser sa faim,
L'un et l'autre va entraîner;
Ultimes souffles et cris déments
Sont étouffés dans le fleuve en rage,
L'écume blanche devient sang
Pour une noce, l'horrible carnage.



Dans la suite du cortège
Elianne rejoint ses compagnons;
Ainsi se referme le piège
Sur la fillette en perdition;
Pour la gloire du tragique pont,
Quatre noms gravés dans la pierre;
Enfants martyrs cherchez dans les vent
Un peu d'amour, une prière.



Dans l'ombre du souvenir,
Une mère pleure
Un enfant déchiqueté
Noyé dans sa peur.

Cette chanson a été diffusée à la télévision lors de l'émission "Le Petit Café", en 1978.

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